Le concept de microagression a été développé dans les années 1970 par Chester M. Pierce, psychiatre et professeur à l'Université Harvard, dans le cadre de ses travaux sur les conséquences du racisme sur la santé mentale des personnes noires aux États-Unis. Les microagressions réfèrent aux affronts quotidiens (indignités verbales, comportementales et environnementales) que les personnes minorisées* subissent et que la plupart des personnes du groupe dominant ne remarquent pas ou ne prennent pas au sérieux[1]. On distingue trois formes de microagressions[1] :
Bien que ces commentaires aient l’apparence de compliments, ils reposent sur des biais souvent inconscients et contiennent des messages offensants.
Féliciter une personne grosse qui s’entraîne tient pour acquis que les personnes grosses ne font aucune activité physique, ce qui est un préjugé.
Dire à une personne grosse qu’elle a un joli visage sous-entend que le reste de son corps est inadéquat. De la même façon, dire à une personne qu’elle n’est pas grosse, mais magnifique sous-entend que la corpulence et la beauté sont incompatibles.
Contrairement aux microaffronts, les microinsultes et les microinvalidations sont le plus souvent inconscientes et sans intentions malveillantes. Pour cette raison, elles sont généralement banalisées, ce qui n’encourage pas les personnes qui les commettent à déconstruire leurs biais.
Puisqu’elles ont l’apparence de simples maladresses et qu’elles sont souvent bienveillantes, les microagressions peuvent sembler sans conséquences. Or, les bonnes intentions ne sont pas garantes de bons résultats. Les microagressions s’inscrivent dans un contexte social plus large où les personnes minorisées subissent différentes formes de discriminations et de violences auxquelles s’ajoutent les microagressions. Également, puisqu’elles sont répétitives et qu’elles se produisent tout au long de la vie, les microagressions sapent l’énergie mentale des personnes qui les reçoivent (p. ex. concentration, productivité, capacité à gérer les émotions) et leur rappellent constamment qu’elles ne correspondent pas aux normes sociales.
Comme le démontre le modèle du stress minoritaire[2]*, la marginalisation sociale est un facteur de stress ayant des effets délétères sur la santé. Les microagressions ont des conséquences négatives sur le bien-être psychologique (p. ex. dépression, anxiété, stress, baisse de l’estime de soi, idéations[3]). Les conséquences des microagressions sont encore plus importantes pour les personnes se situant à l’intersection de multiples systèmes d’oppression (p. ex. les femmes noires grosses ou les hommes gais gros)[3]. Les microagressions grossophobes sont également associées à une plus faible satisfaction corporelle[4], à davantage de grossophobie intériorisée et à l’évitement de certaines activités sociales[5]. En effet, les personnes grosses qui anticipent les regards insistants ou les félicitations au gym, les conseils de pertes de poids non sollicités au cabinet du médecin ou dans leur party de famille, le rejet lors d’une date ou les espaces inaccessibles au restaurant et au théâtre préfèrent souvent éviter ces situations, ce qui compromet encore une fois leur santé physique, psychologique et sociale. Contrairement à la croyance populaire, les microagressions, même les plus bienveillantes, n’ont pas pour effet d’améliorer la santé des personnes grosses en les encourageant à perdre du poids.
Ce billet de blogue est une collaboration spéciale dans le cadre de notre campagne La grossophobie, ça suffit! Plusieurs autres contenus sont disponibles sur la page de la campagne et sur nos réseaux sociaux Facebook et Instagram.
*Lexique :
Références :
[1] Sue, D.W. (2010). Microaggressions in everyday life: race, gender, and sexual orientation. John Wiley & Sons.
[2] Meyer, I. H. (2003). Prejudice, social stress, and mental health in lesbian, gay, and bisexual populations: conceptual issues and research evidence. Psychological bulletin, 129(5), 674 97.
[3] Costa, P. L., McDuffie, J. W., Brown, S. E., He, Y., Ikner, B. N., Sabat, I. E., et Miner, K. N. (2023). Microaggressions: Mega problems or micro issues? A meta‐analysis. Journal of community psychology, 51(1), 137-153.
[4] O’Neill, E. A., Trout, K., et Ramseyer Winter, V. (2023). Relationships between experiencing anti-fat microaggressions, body appreciation, and perceived physical and mental health. Journal of Health Psychology, 28(2), 107-118.
[5] Lindloff, M. R., Meadows, A., et Calogero, R. M. (2024). Living while fat: Development and validation of the Fat Microaggressions Scale. Journal of Personality and Social Psychology.